La paix par des moyens pacifiques

Ce que la guerre fait de nous

Chers Amis animés par la Paix,

Comme cela me fait plaisir de vous voir ici et que nous passions cette journée importante ensemble lors de la marche pascale 2022 autour du Lac de Constance !

Il y a quelques mois, on m’a demandé de prendre la parole en ce Lundi de Pâques. Aujourd’hui, je pense que j’aurais préféré être invitée à garder le silence. À me taire au sujet de la souffrance démesurée causée par une guerre de plus. À me taire face à l’avalanche de discours aux quatre coins du globe, par lesquels chacun cherche à affirmer la supériorité de son importance, de sa rapidité et de son discernement. À me taire quant aux opportunités manquées que nous avons laisser passer tant d’années.

Notre mental est à l’affût d’informations, de prises de position, de la résolution d’équations qui comportent bien trop de variables. Notre cœur est anesthésié par les images des médias, les canaux sociaux et les récits de notre entourage. Notre corps est en torpeur, comme dans un cauchemar, et nous attendons le cri susceptible de nous extirper. En vain. Nous sommes coincés entre le devoir de savoir et l’impossibilité d’agir. Entre l’apathie et le syndrome de l’adjuvant. Et avant que le mouvement pacifiste ne prenne forme, des milliards se prononçaient en faveur de l’armement – au nom de la Paix.

Oui, alors : que signifie aujourd’hui demander et favoriser la « Paix par des moyens pacifiques », comme le formulait Johan Galtung, chantre de la recherche en irénologie ?

Je suis ébranlée

Appartenant à la société occidentale, passer les mouvements pacifiques de l’Occident me semble être un devoir. Considérant la situation de l’Ukraine, certaines choses sont évidentes ; d’autres moins.

En ces temps de préjugés et de requêtes, je vais commencer par laisser s’exprimer l’ébranlement qui m’assaille.

Il est clair que :

  • Une guerre offensive telle que celle-ci (ce qu’est en fait n’importe quelle guerre) doit être condamnée.
  • Ceux qui en sont responsables doivent être sanctionnés.
  • Ces opérations militaires se font au plus grand mépris de l’être humain et doivent cesser au plus vite.
  • Les personnes touchées par cette guerre doivent être protégées du mieux possible.

Encourager la Paix, c’est condamner clairement la guerre et rechercher des solutions pour mettre fin à la violence. Toutefois, le défi consiste à savoir comment nous pouvons réagir à la guerre en promouvant la paix et en ayant conscience des conflits tout en restant fidèles aux valeurs qui sont les nôtres. Nous devrions toujours veiller à ce que nos actions ne soient pas guidées par nos propres blessures, mais dans l’optique d’une restauration de relations pacifiques.

Pourtant, le faisons-nous vraiment ?

Je suis ébranlée lorsque nous défendons la non-violence par la violence, la paix par la guerre, les sociétés inclusives par l’exclusion et donc par la marginalisation.

Je suis ébranlée quand des politiques occidentaux appellent à l’exécution d’un chef d’état pour protéger nos valeurs humanitaires.

Je suis ébranlée par l’envie de destruction, les relents sanguinaires et la haine qui marquent de leur empreinte le discours public dans nos « pays pacifiques ».

Je suis ébranlée que nous reconsidérions subitement que la mort peut avoir du sens, voire être quelque chose d’héroïque : si c’est pour la démocratie, par exemple ; pas pour le califat.

Je suis ébranlée de voir que l’image de l’homme que nous espérions avoir dépassée, retrouve une nouvelle superbe : on se sent un homme, un vrai, quand on défend les bons contre les mauvais, par la violence.

Et parce que je me penche sur les horreurs de la guerre depuis un certain temps, je suis aussi ébranlée de voir que à quel point notre réaction à cette guerre est différente de celle qui nous anime face aux dizaines d’autres guerres et conflits armés qui ont lieu dans le monde en ce moment – selon le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, jamais il n’y a eu autant de conflits armés depuis la 2ème GM. Où est passée notre révolte face aux atrocités perpétrées dans d’autres régions du monde ? Où est notre solidarité avec les 2 milliards (!) d’êtres humains concernés par des conflits armés ? Cela représente un quart de la population mondiale ! Un vent d’éveil semble souffler sur la population, comme si on se souvenait que la guerre est hideuse. L’avions-nous réellement oublié ?

Et je suis ébranlée lorsque j’entends parler de l’échec supposé du pacifisme. Il serait même co-responsable du fait que la guerre en Ukraine n’a pas été évitée. Le bellicisme et l’armement ont-ils par exemple, quant à eux, empêché la guerre ?

Je suis ébranlée de voir avec quelle satisfaction on attaque ou ridiculise publiquement tous ceux qui se sont investis pour le dialogue, la compréhension mutuelle et le rapprochement. Je suis ébranlée de la logique sous-jacente et de la réjouissance qui couvre le tout.

La Paix n’est-elle pas un projet commun ?

L’attitude pacifique

La Paix a la vie dure. Raillée en temps de paix, on l’incrimine en temps de guerre. Ceux qui sortent de la dichotomie noir/blanc, qui tentent d’étoffer leur vision des choses, qui croient à une idée aussi « naïve » que celle d’apporter la « Paix des moyens pacifiques », ceux-là sont rapidement la cible de tirs croisés. Dans le meilleur des cas, on leur reproche de rester trop éloignés de la réalité ; dans le pire, on les rend en partie responsable du décès de civils innocents, invoquant le fait que les interventions militaires n’ont pas été engagées plus tôt. Ils sont même présentés comme complices de l’agresseur, du démon.

La question reste une fois de plus d’actualité :

qu’est-ce qu’une « attitude pacifique » ? Une attitude pacifique cohérente et applicable, de nos jours.

Résister à la mentalité de guerre

Commençons par définir ce que n’est pas une attitude pacifique.

Du fait des évènements, bien des personnes ont non seulement été terriblement affectés par la peine, mais se sentent en outre elles-mêmes directement ou indirectement menacées. D’une part par le risque que la situation dégénère en une guerre nucléaire qui nous concernerait tous, et d’autre part parce que nous percevons l’attaque de l’Ukraine comme une atteinte à nos valeurs. Il est très tentant de changer notre façon de penser la défense, de se laisser aller au manichéisme, ou encore de brandir des images de l’ennemi et des concepts nationalistes que nous appelons à déconstruire depuis des décennies. De la même manière, nous sommes séduits à l’idée que cet ennemi commun puisse renforcer notre identité collective – tous contre un. La guerre est déjà parvenue à nous imposer son esprit belliqueux.

Pour préciser ce que j’entends par « esprit belliqueux » et la logique pacifiste que nous pouvons en déduire, je passerais par cinq points :

1 – Démontrer et accepter la complexité des choses

Commençons par un classique : quand des fronts se forment quelque part, la première perte que nous subissons est notre capacité à différencier les choses. L’image qu’on en a se simplifie, et l’on s’engouffre dans des pensées qui polarisent. On peut constater ce phénomène dans les allocutions des personnalités politiques et dans les médias, mais aussi en nous-mêmes. Aussi désagréable cela soit-il, cette simplification correspond à notre besoin de clarté et de contrôle. C’est là le côté perfide de la logique de guerre : elle suggère que nous croyons avoir les réponses au chaos et à la violence, et nous donne le sentiment, délectable mais addictif, de nous trouver du bon côté.

Une attitude pacifique se défend contre cette tendance irrésistible à la simplification. Elle essaie de développer présenter, visuellement comme par la narration, la situation de la manière la plus différenciée et indépendante possible, de toujours en souligner la complexité et de faire état des contradictions. Dans le contexte actuel, faire obstacle à la simplification, ce pourrait être d’envisager que le blocage de toutes les formes de transfert d’argent vers la Russie concerne aussi, justement, les organisations qui dirigent les foyers d’enfants, s’engagent pour les sans-abris, proposent un soutien psychologique aux personnes traumatisées et apportent de l’aide à celles en très grande indigence, soit les êtres humains qui sont de toutes façons déjà le plus défavorisés. Ce blocage est par conséquent en pleine contradiction avec le principe de notre collaboration internationale « Leave no one behind ».

2 – Déconstruire les images qu’on a de l’ennemi

Dès lors qu’on se met à simplifier, on n’est plus très loin de la polarisation. Très vite, le monde se fend en deux avec le Bien d’un côté et le Mal de l’autre, le camp des méchants étant bien entendu celui des autres tandis qu’on fait évidemment partie de celui des gentils. Quand on s’intéresse d’un peu plus près aux conflits armés, on sait qu’une fois engagée, aucune guerre n’est bonne.

En tant que partisans de la Paix, notre rôle fondamental n’est pas de condamner l’un des belligérants, mais de condamner la guerre, toutes les guerres et tous les mécanismes qui en sont les vecteurs. Peut-être la nuance est-elle subtile, mais non moins importante. Une logique de Paix s’oppose à la rhétorique basée sur l’Ennemi, même si cette dernière a été astucieusement déguisée en « Ennemi de la démocratie ». Elle s’oppose aux généralisations, p.ex. à la diffamation des membres d’un camp. Comme le décrit (en allemand) l’éminent spécialiste de la résolution des conflits Friedrich Glasl, cela pourrait vouloir dire, dans le contexte actuel, ne pas calomnier ni diaboliser les personnes à même d’entrer en contact avec les acteurs du côté russe, mais les impliquer dans une stratégie de résolution. En médiation, on désigne ces personnes par le terme de « connecteurs », soit des individus à même de faire office de passerelle. À ce sujet, une attitude pacifique consiste à sans cesse reconnaître et dépasser ce qui divise ; en d’autres termes, que nous cherchions des communications d’une très grande précision médiatique comme linguistique, et que nous nous prononcions avec virulence contre toute forme de diabolisation et de déshumanisation.

3 – Rechercher des solutions inclusives

Un signe très simple, mais univoque, permet de savoir si nous avons basculé dans la logique de guerre : quand nous sommes convaincus que l’autre est à lui seul la cause du problème et que nous devons par conséquent l’éliminer pour atteindre notre objectif, p.ex. une solution pacifique. Où que je sois sur la planète, je ne cesse de réentendre de tels discours qui restent pour moi, aujourd’hui ‘plus encore que jamais auparavant, une mauvaise voie. Le fait de penser en catégories vainqueurs/vaincus prouve que nous avons cessé de croire en la coopération. La jubilation de Poutine pointe du doigt notre indignation (justifiée), notre impuissance et notre offense, pas notre résolution pacifique.

Il nous faut bien garder en tête que l’autre, l’agresseur, l’Ennemi, le criminel est un élément de la solution. La politique extérieure de la Suisse est toujours restée disposer à communiquer avec ceux que certains états désignent comme des terroristes. À mon sens, c’est la seule porte de sortie possible. Refuser le dialogue sonnerait le glas de la résolution pacifique. Exclure des pays des organes de l’ONU est un acte diamétralement opposé à l’idée fondamentale des Nations Unies, institution qui se veut être un lieu d’échange entre les pays, et ce même et justement s’ils ne sont pas d’accord ou, dans le pire des cas, qu’ils sont en guerre.

4 – Sortir de la spirale des menaces

La spirale des menaces est le principal moteur de l’escalade. Je me sens menacé, c’est pourquoi je dois me défendre. En me défendant, l’adversaire se sent à son tour menacé et il me faut alors renforcer ma défense. Personne n’y gagne en sécurité, et seuls ceux qui fournissent les moyens nécessaires à cette « défense » en tirent profit.

Une ligne de conduite importante pour une attitude pacifique serait que la défense puisse servir l’objectif de Paix aussi longtemps qu’elle n’est pas perçue comme une menace. Le but est de contrer, autant que faire se peut, les mécanismes d’escalade qui ont déjà fait l’objet de recherches approfondies. Cela signifie que nous ne réagissions pas par instinct de défense mais que nous fassions activement intervenir, dans la mesure du possible, des formats qui contribuent au rétablissement de la compréhension et de la confiance. Une attitude pacifique pourrait aussi inciter à ne pas commencer par vouloir changer les choses chez l’autre mais en soi. Soit à vérifier si nous exploitons nos marges de manœuvre au maximum et, pourquoi pas, être les premiers à reconnaître nos propres défauts.

Lorsqu’on parle de sécurité, je crois qu’il est important d’avoir conscience que ce terme est certes un besoin essentiel, mais aussi une idéologie. Une idéologie dont le potentiel destructeur est énorme. Une idéologie qui se nourrit de la peur et des crises et qui les utilise en conséquence pour sa propre survie. Nous sommes appelés à distinguer avec prudence les deux notions que recouvre la sécurité, le besoin essentiel et l’idéologie, et à les contrer par une attitude pacifique qui dissout la peur.

5 – Éviter de juger et agir en ayant conscience des conflits

La volonté et le besoin de juger et de condamner sont fermement ancrés dans notre système. Comme faire la lumière sur qui a raison ou non, qui est l’agresseur et qui est la victime. Il est incontestable que la violation des droits fondamentaux telle qu’on la constate actuellement en Ukraine est un crime très grave. Les agresseurs comme leurs financeurs ou d’autres entités qui les soutiennent sont bien sûr à condamner. La période qui fera suite à la guerre nous en laissera suffisamment de temps. Il importe en effet de prendre conscience que les condamnations (même juridiquement valables) édictées alors que la guerre et/ou les négociations sont encore en cours ne font quasiment que durcir les tensions et ne permettent aucun rapprochement entre les parties.

C’est pourquoi il est absolument capital de communiquer et d’agir en gardant conscience des conflits. Se poser des questions du genre « Qui a raison ? » ne sera alors d’aucune utilité, et mieux vaut se demander ce qui mettra fin aux combats, à ce que toutes les parties soient disposées à négocier et à une minimisation des dommages de toutes parts. Ce sont ces questions qui devraient nous guider dans toutes nos actions. S’il s’agit de décider de sanctions, de suspendre le trafic aérien ou d’élaborer des rapports sur le déroulement de la guerre. L’expérience montre que préserver la dignité de chaque partie belligérante est inéluctable pour aborder et contracter des solutions de négociation tenables. Dans ce contexte, humilier un chef d’état ou un pays est à mon sens particulièrement critique. Humilier une partie en conflit a toujours donné lieu à un cercle de plus en plus vicieux de conséquences. Même si c’est parfois difficile, nous devrions toujours nous reconcentrer sur les choses qui nous permettent de rompre le cycle de la violence.

La Paix comme mission perpétuelle

Vous l’aurez remarqué, adopter une attitude pacifique est un acte éreintant, pour lequel il faut se battre et auquel il faut faire de la place par le biais de tout ce qui nous entoure et nous met en colère.

Le philosophe Immanuel Kant écrivait déjà que la Paix avait pour vocation d’être troublée en permanence. Nos parents ou grands-parents disaient encore « Plus jamais ça ! ». Pendant longtemps, les traces de cette peur de la guerre et de la volonté d’y parvenir/l’engagement en sa faveur qui ont suivi avaient quasiment disparu. Le mouvement pacifiste a reculé partout dans le monde ; et en Suisse justement, nous nous sommes reposés sur un petit havre de paix de 40 000 km², une paix que nous croyions avoir obtenue par nous-mêmes et garantie à jamais.

En fait, on dirait que la guerre en Ukraine a fait revenir la conscience qu’on a de la Paix dans nos sociétés. D’un côté, je m’en réjouis beaucoup parce que une telle conscience m’avait beaucoup manqué. D’un autre côté, il est absolument incompréhensible et des plus regrettables qu’un tel désastre eût d’abord été nécessaire à l’éveil des consciences dans nos sociétés quant au fait que les guerres sont abominables et que la Paix est à la fois extrêmement complexe et fragile. Je pensais que nous avions suffisamment d’exemples à portée de main, que ce soit dans notre histoire ou à travers les dizaines de conflits armés actuels.

Chers Amis animés par la Paix, je crois qu’un mouvement pacifiste ne devrait pas se nourrir des guerres. Les seules à s’en nourrir, ce sont les idéologies de la sécurité. Si la guerre était déjà derrière nous (quelle belle idée !), un mouvement pacifiste serait encore nécessaire. Au sein de Forum für Friedenskultur, nous nous engageons activement pour cultiver la Paix et en faire l’expérience en Suisse. Nous y comprenons la Paix comme une mission collective permanente qui touche à tous les aspects de la vie sociale, à savoir l’école, les médias, l’économie, l’espace public etc. Avec vous tous, nous voulons donner plus de visibilité à la perspective pacifique. Nous offrons de l’espace à l’exercice des compétences pacifistes et au débat irénologiques, par exemple lors de l’Ilanzer Sommer dont nous aurons le plaisir d’organiser la deuxième édition au mois d’août de cette année.

Mes vœux pour le monde

Quelles propositions concrètes peut-on déduire de ce concept d’attitude pacifique ? Voici un extrait de ma liste de vœux, qui est en réalité bien plus longue.

En lien direct et concret avec l’Ukraine

  • Par rapport à l’Ukraine, nous avons besoin (conformément au programme en 10 points en allemand de l’initiative de soutien à la médiation) d’une confiance résolue dans les mécanismes et instruments de la résolution de conflits pacifique, p.ex. les négociations. La solidarité de l’Europe devrait consister à tout faire, de notre côté, pour qu’une solution soit trouvée par le biais des négociations.
  • Outre les discussions entre l’Ukraine et la Russie, d’autres forums sont nécessaires pour résoudre le conflit à la hauteur de sa complexité. Pour nous accorder sur des problèmes centraux, les parties qui peuvent réellement s’en porter garants doivent être impliquées.
  • Si des états tiers décident de sanctions, alors celles-ci doivent être liées à des conditions concrètes (p.ex. quelles sanctions lève-t-on en cas de cessez-le-feu, de pacte) ; sinon, le risque de tout faire dégénérer et de cristalliser les positions pèsera plus que l’opportunité d’inciter les parties en conflit à avancer dans la direction que nous souhaitons.

Au niveau international :

  • Je souhaite que beaucoup plus de femmes soient impliquées dans les négociations de paix et la politique de sécurité. Des femmes qui ne suivent pas une politique belliciste, mais ont foi en une politique pacifique, à l’encontre du système qui pousse dans une autre direction.
  • Je souhaite un transfert massif des ressources de défense militaire autonome vers des mesures permettant la création de confiance et la préservation de la paix et dans des mesures imminemment urgentes telles que l’endiguement du réchauffement climatique.
  • Je souhaite un système économique et financier qui encourage la Paix.
  • Je souhaite une prise de conscience des angles morts qui entachent notre vision du monde, nos reportages et nos décisions politiques.

À l’échelle nationale, en tant que Suissesse :

  • Je souhaite une Suisse courageuse qui use de toutes les possibilités d’action dont elle dispose pour mettre un terme au sang versé en Ukraine et ailleurs, et qui prenne le plus grand soin et tire le meilleur parti des relations qu’elle entretien avec toutes les parties impliquées dans des conflits.
  • Je souhaite que les gens qui ont fui les zones de combat soient traités de manière identique indépendamment de leur lieu d’origine.
  • Je souhaite une politique de paix cohérente, qui inclue p.ex. la ratification du TIAN/Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et interdise le financement des producteurs de matériel de guerre par les caisses de pension. La politique de paix extérieure, c’est la politique de paix intérieure.
  • Je souhaite un financement sérieux, la mise en priorité réfléchie et l’application effective d’une pédagogie de la paix dans le système scolaire suisse.
  • Je souhaite une structure de dialogue qui nous aide à aborder les tensions internes à notre société de façon constructive.

Enfin, au niveau individuel :

je souhaite que nous restions toujours conscients et attentifs et fassions usage de ses qualités pour sortir du cycle de la violence et dépasser tout ce que nous avons de destructeur en nous aussi. Ou, pour reprendre les mots du théologien et pacifiste Eugen Drewerman : la capacité à transcender le Mal par l’amour…

Ce qui difficile pour nous l’est encore bien plus pour nos semblables qui ont subi de très profondes blessures, p.ex en temps de guerre. Mais c’est possible. Au cours de mes déplacements dans des zones de conflit que j’effectue pour mes reportages sur la paix, je n’ai cessé de rencontrer des personnes qui sont parvenues à sortir de la spirale de la violence, même après avoir vécu les pires traumatismes ou avoir survécu à un génocide. Ces gens trouvent le salut non pas dans la condamnation, les actes de vengeance ou la haine, mais dans le pardon et/ou la restauration des relations. Ce sont des individus dotés d’une force intérieure incroyable, qui leur permet d’aller à la rencontre de ceux qui ont participé (ou présentés comme tels) à l’exécution de leurs proches parents et sont par conséquent co-responsables de la souffrance qu’ils porteront jusqu’à la fin de leurs jours. Cette force, je la souhaite à nous tous autant que nous sommes, dans les petits évènements comme les grands.

Récemment, j’ai vu une interview d’une actrice russe très célèbre. Elle était en larmes à propos des évènements survenus en Ukraine. On a parfois tendance à l’oublier que bon nombre de Russes ont des amis et des parents en Ukraine ou qu’ils y ont peut-être eux-mêmes vécu, étudié ou travaillé et que par conséquent, ils souffrent deux fois plus de la situation actuelle que nous. Non seulement parce qu’ils ont peur pour leurs proches ou doivent en faire le deuil, mais aussi parce qu’ils se sentent, en tant que citoyens russes coupables des actes de violence commis par leur armée. La personne citée est loin d’être la seule à avoir le courage de critiquer publiquement l’invasion russe en dépit des conséquences, connues pour être des plus désagréables, qu’elle pourrait en subir. À l’heure actuelle, on parle de 15 ans de détention. L’entretien se termine par la question de savoir si le peuple ukrainien pardonnerait un jour à la population russe, à laquelle elle répond : « Non, jamais ! », ajoutant qu’elle non plus ne pardonnerait jamais aux Russes (donc à elle-même). En commentaire, une jeune femme de Kiev qui vit réellement l’horreur de l’occupation militaire au quotidien répond : « Je n’ai aujourd’hui aucune haine ni envers la Russie ni envers son peuple, et n’en aurai pas plus demain. » Il y a encore quelques autres lignes, suivies d’un cœur rouge.

C’était l’une des choses les plus importantes que j’avais lues depuis le début de l’invasion. Les paroles d’êtres humains qui préservent leur humanité. Des gens qui ne se suivent pas les moutons de la violence, même s’ils vivent des situations inhumaines ou qu’ils se mettent eux-mêmes en danger en critiquant la violence. Et je pense que si cette femme exposée aux barbaries de la guerre parvient à conserver en elle une attitude pacifique, nous devrions y parvenir aussi.

Conclusion

Chers Amis animés par la Paix, nous nous unissons pour encourager la paix et nous motiver réciproquement à adopter une attitude pacifique active.

Avoir une attitude pacifique, ce n’est pas citer les paroles de philosophes de l’Antiquité, répéter des principes immuables auxquels on croit et avoir réponse à tout. Œuvrer pour la Paix n’est pas de tout repos.

Avoir une attitude pacifique, c’est

  • lutter en permanence pour faire le plus de place possible à la paix, un combat pour lequel de nombreux êtres humains risquent leur vie ou la perdent à chaque instant sur tous les continents.
  • Avoir une attitude pacifique implique d’avoir confiance en la possibilité de parvenir à la paix et de croire en elle en dépit de tous les revers du sort et de toutes les guerres, qu’elles débutent ou soient installées. C’est aussi l’encourager de toutes nos forces : par nos pensées, nos sentiments, nos actes et nos consciences.

La Paix ne peut être forcée. La Paix, je la comprends bien plus comme un être vivant. Nul besoin de faire quoi que ce soit pour qu’une fleur pousse ou qu’un enfant grandisse. Leur croissance est naturelle, ils la portent en eux. Notre mission est donc moins de créer la paix que de la laisser mûrir. Pas en restant passifs, mais en entretenant activement les circonstances qui favoriseront sa maturation.

En ce sens, donnons un espace à la paix où que nous soyons : dans nos têtes et dans nos cœurs, dans nos familles, dans les rues de notre quartier, dans nos entreprises et dans nos parlements. Pour que la paix veuille revenir à nous, s’installe en nous, croisse chez nous, y plante ses racines et irradie tous les êtres humains qui en ont le plus besoin en cet instant.

Merci beaucoup !

Une réponse

  1. Bravo pour ce courage et Engagement. Ces paroles font du bien .
    Bien à vous
    Françoise

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